Cyrano, un truc de fou
120 ans après sa création dans la même salle, Cyrano de Bergerac investit à nouveau la scène de la Porte St Martin. Est-ce que parce qu’Edmond Rostang a imaginé un personnage aussi charismatique que fou que Dominique Pitoiset choisit de situer l’histoire dans un asile psychiatrique ? Le pari semble bel et bien fou et le rôle-titre est confié à la démesure de Philippe Torreton, entouré de onze comédiens tous plus fous les uns que les autres. Et le contrat est admirablement rempli par tous.
La pièce s’ouvre sur le réfectoire où de nombreux patients s’agitent dans tous les sens en attendant que débarque le bien connu et controversé Cyrano. Lui, qui a le verbe facile, dit ce qu’il pense et ne se retient pas. Son arrivée ne passe pas inaperçue, et très vite, les esprits s’échauffent. On ressent bien la tension permanente dès que Cyrano est présent. Comme on se l’imagine d’un asile, les malades sont incontrôlables et tout peut déraper à chaque instant. Les provocations fusent, sans épargner le nez proéminent de Cyrano. L’occasion d’une merveilleuse tirade sur cet organe protubérant qu’il affiche comme une fierté, sans pour autant l’assumer réellement. Il s’empêche de déclarer sa flamme à la belle Roxane, mais il met sa plume au service du jeune premier qui lui fait la cour. Roxane tombe sous le charme des lettres sans savoir qu’elles sont de Cyrano. Même une fois qu’ils sont partis au combat, Cyrano continuera d’écrire à Roxane en signant ses lettres du nom d’un autre. Lorsqu’elle perd son amoureux, Roxane est dévastée. Et ce n’est qu’à la toute fin de la pièce, alors qu’il est lui aussi sur le point de mourir, que Cyrano se laisse démasquer.
La mise en scène est très riche, jouant subtilement du parti-pris de l’hôpital psychiatrique sans jamais perdre en crédibilité. On retrouve également des moyens de communication moderne (conversation par ordinateurs interposées, messagerie…) qui sont autant d’occasions d’enrichir les situations de faux-semblants et de doubles jeux auxquels se livre Cyrano sous les traits d’un autre. Philippe Torreton livre une performance rare et l’on ressort plus touché que jamais par ce personnage entier qui voit bien plus loin que le bout de son nez.
Une pièce d’Edmond Rostand
Mise en scène Dominique Pitoiset
Assistante à la mise en scène Marie Favre
Avec Philippe Torreton, Hervé Briaux, Adrien Cauchetier, Antoine Cholet, Tristan Robin Patrice Costa, Gilles Fisseau, Yveline Hamon, Jean-François Lapalus, Bruno Ouzeau, Julie-Anne Roth, Luc Tremblais, Martine Vandeville, Pierre Forest.