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Battlefield for ever!



"Quand on regarde les informations, on est en colère, plein de dégoût, furieux, mais au théâtre on peut traverser tout ça et sortir plus confiant, plus courageux, en se disant qu'on peut faire face à la vie." Quelle force. Merci Peter Brook, de nous offrir, 30 ans après le film, cette parenthèse d’optimisme plus que jamais d’actualité. Comme quoi parfois, le théâtre peut apporter en deux heures davantage de réponses que des années de politique. A fortiori quand ce théâtre s’appuye sur le Mahabharata.


Mais alors, le Mahabharata, c’est quoi exactement ? Le Mahabharata, c’est une véritable épopée indienne sur plusieurs générations qui relate les luttes de pouvoir pour le royaume entre deux branches d’une même famille (des cousins donc), les Pandava et les Kaurva. Des guerres intestines liées à la succession et à la légitimité d’accéder au pouvoir débouchant sur des années de conflits qui n’auront pour issue que la mort de tous et la fin de leur civilisation. Bien qu’étant un des livres les plus anciens de l’Humanité, les résonances avec notre actualité ne manqueront pas de nous fournir des clefs de lecture de notre choc des civilisations.

Evidemment, lorsque le rideau s’ouvre, on se dit qu’on pourra difficilement aller plus mal. Le champ de bataille, Battelfield, a décimé tous les combattants, a brisé chaque famille et imbibé chaque clan d’un peu plus de rancœur et de désir de vengeance. C’est dans ce climat d’anéantissement, alors que le vainqueur pourrait profiter de la victoire, relative, qu’un grand sage fait entendre sa voix. Parce qu’il est temps de casser la spirale destructrice pour avancer et se reconstruire ensemble. Mais la question cruciale reste de savoir comment parvenir à recréer quoi que ce soit sur un champ de ruines. Autrement dit Peter Brook pose la question essentielle de l’après-guerre et du devenir d’une terre brûlée reçue en héritage ou conquise par les armes et dans les larmes.

Et tel La Fontaine qui s’adresse en paraboles au roi, Brook apporte une autre dimension à cette légende indienne fondatrice de l’Hindouisme en affirmant "Notre vrai public, c'est Obama, Hollande, Poutine et tous les présidents. La question, c'est comment voient-ils leurs adversaires aujourd'hui ?". Cette pièce reste une fiction, puisque le vainqueur souffre de sa victoire et chacun se demande si tout ça n’aurait pas pu être évité. "C'est une description terrifiante, ça pourrait être Hiroshima, ou la Syrie aujourd'hui", raconte Peter Brook. "Nous avons voulu raconter ce qui se passe après la bataille." De splendides paraboles rendent cette œuvre poétique. Personnage haut en couleur, le ver de terre, qui se bat pour traverser une route sans se faire écraser. L’autre lui fait remarquer que sa pauvre vie ne nécessite pas qu’il se batte pour elle. L’argumentaire du ver est saisissant d’humilité et de poésie. La présence d’un musicien sur scène ne fait que renforcer l’impression de magie qui nous est offerte, le temps de cette parenthèse enchantée.

D’après le Mahabharata et la pièce de Jean-Claude Carrière

Adaptation et mise en scène : Peter Brook et Marie-Hélène Estienne

Avec : Carole Karemera, Jared McNeill, Ery Nzaramba, Sean O’Callaghan

Musicien : Toshi Tsuchitori

Bouffes du Nord, tournée en France et dans le Monde

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