La chimie de la médiocrité

- Les Particules élémentaires -

C’est l’histoire de deux demi-frères. Leur naissance par la réunion d’atomes de deux pères différents et d’une mère commune. Et leur mère, c’est tout ce que Michel et Bruno partagent. Et encore, de façon lointaine puisque l’un grandit dans une pension et l’autre chez sa grand-mère. Alors que la moitié de leurs gènes sont semblables, ces deux êtres que tout oppose ont une approche de la vie radicalement différente.SI Michel, chercheur en biologie, a fait le choix de se noyer dans le travail pour compenser le déclin de sa sexualité suite à des rendez-vous ratés, Bruno se complait dans une vie construite exclusivement autour de la recherche du plaisir sexuel. Les deux semblent résignés à mener une vie moyenne, sans rêve et sans ambition, rythmée uniquement par un quotidien monotone.

La mise en scène explosive de Julien Gosselin donne tout son relief à l’œuvre lisse de Michel Houellebecq. Les deux électrons libres plongés dans une société résignée prennent toute leur ampleur sur la scène de Julien Gosselin. Comme dans sa précédente mise en scène (2666, œuvre fleuve de plus de 11h), le jeune metteur en scène donne un rythme incroyable au roman, en opposant le calme de Michel à l’effervescence de Bruno. Le premier plongé dans son bureau de recherche semble déconnecté de la réalité tout en ayant une conscience accrue de la biologie humaine. Le second quant à lui nous apparait également en rupture par rapport à la réalité, sa vie tournant exclusivement autour de ses escapades sexuelles qui sont autant de tentatives souvent infructueuses de créer du lien, social, sexuel ou amical avec ses congénères. La vie des deux frères est l’occasion de dresser un portrait de la fin de siècle post-68, une période d’illusions, de désespoir, comme si la révolution n’avait donné vie qu’à des espoirs déçus. On est embarqués par les tableaux qui s’enchainent à un rythme effréné et qui sont autant d’univers parallèles bourrés d'êtres à la dérive qui ne sont jamais au bon endroit au bon moment. Le son créé directement sur scène nous enveloppe, l’écran en fond de scène donne vie à des visuels, des décors et du texte, il y a beaucoup de personnages, de nombreuses dates, une multitude d’évènements et on suit la vie des frères comme une véritable épopée au gré des rencontres, des rebondissements, des sentiments qui les animent. C’est du grand art, une mécanique extrêmement bien huilée dans laquelle il n’y a pas une fausse note. Le chef d’orchestre gère d’une main experte une troupe soudée au millimètre pour donner vie à une tranche de vies inoubliable.

De Michel Houellebecq

Mise en scène Julien Gosselin

Avec Joseph Drouet, Denis Eyriey, Antoine Ferron, Noémie Gantier, Carine Goron, Alexandre Lecroc-Lecerf, Caroline Mounier, Victoria Quesnel, Geraldine Roguez, Maxence Vandevelde

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