In love with Shakespeare
Qui dit vacances dit Angleterre. Qui dit Angleterre dit Shakespeare. Qui dit Shakespeare dit Stratford upon Avon. L'Avon, c'est la rivière qui traverse la ville emblématique de celui qui a traversé les siècles grâce à ses pièces universelles. Si certains doutes demeurent quant à sa réelle existence (le grand William a t'il vraiment existé?), les pièces sont belles et bien présentes et ça tombe bien parce que la ville dans laquelle il a vu le jour, on s'attache à perpétuer son oeuvre, grâce à La Royal Shakespeare Company. Le théâtre a été récemment modernisé, mais conserve toujours la scène telle qu'elle était au moment de Shakespeare, c'est à dire un espace central et quatre travées qu partent en étoiles. A l'époque les places du parterre étaient les moins chères car le théâtre était à ciel ouvert et ces spectateurs étaient mouillés en cas de pluie. Aujourd'hui, je prends de la hauteur pour découvrir Titus Andronicus, considérée comme une des pièces les plus violentes du maître. C'est parti pour 2h40 de tragédie.
Les craintes sur la longueur de la pièce sont vites envolées. L'histoire démarre très vite et en musique (avec les musiciens directement sur scène s'il vous plaît), alors que le combat fait rage entre les deux fils de l'empereur tout juste décédé. L'annonce tombe: le peuple a choisi le frère du défunt, Titus Andronicus. après, il faut s'accrocher, car l'intrigue est pleine de rebondissements et le machiavélisme des personnages qui jouent tous un double jeu complexifie les rapports et les jeux de pouvoir. Pour tout dire, ça fait penser aux Inglorious Basterds de Tarantino.
Titus rentre du combat ramenant avec lui des prisonniers dont la reine de Goths, Tamora, ses trois fils et son amant secret. Titus tue un des fils pour venger la mort de ses propres enfants à la guerre, déclenchant une vengeance en chaine. Il refuse le trône au profit de Saturninus, un des fils de l'empereur. Ce dernier veut épouser Lavinia, fille de Titus, déjà promise et qui refuse. Saturninus se tourne donc vers Tamora, qui accepte bien volontiers de quitter son statut de prisonnière pour mieux orchestrer sa vengeance. Entre les deux camps Titus Andronicus d'un côté et Saturninus de l'autre, la guerre fait rage, tandis que dans l'ombre, le clan bafoué de Tamora et son amant complote. C'est passionnant de voir qui tire les ficelles de cette histoire macabre. La mise en scène moderne de Blanche McInthyre ancre l'intrigue dans une actualité saisissante. Malgré une violence difficilement supportable (viol, ablation de membres, égorgement, et jusqu'au ragoût de têtes), on a l'impression que Shakespeare n'est rien d'autre qu'un contemporain, reporter de guerre ou simple observateur de la vie publique qui décrirait le monde politique gouverné par la soif de pouvoir sans limite. La scène avec ses cinq entrées et très vivante. Les scènes de rixes mêlant racailles et forces de l'ordre laissent place aux discours tribuns et l’îlot central jour tour à tour le rôle de meuble funéraire, de piscine, de fosse mortuaire, de piège à espions. Aucune repentance chez quiconque, chacun étant persuadé que sa faim de pouvoir justifie tous les moyens et l'affirmant avec un tel aplomb cynique que l'on sourit souvent devant cette tragédie sur la bêtise humaine. Trailer: https://www.rsc.org.uk/titus-andronicus/feature-trailer Titus Andronicus Blanche McInthyre Royal Shakespeare Company Stratford upon Avon jusqu'au 2 septembre puis à Londresen décembre et janvier