Edmond dieu du théâtre
Edmond Rostang. 1897. Alors que le cinéma en est à ses prémices, l’auteur de théâtre peine à remplir ses salles et le public semble lui préférer les comédies des deux Georges, Feydeau et Courteline. Sa grande amie Sarah Bernhardt lui conseille d’écrire pour Constant Coquelin, l’acteur le plus en vue du moment. Celui-ci accepte. Seul problème, Edmond n’a pas une ligne à lui faire lire.
S’en suit alors le très riche processus de création du chef d’œuvre qu’est Cyrano de Bergerac, Edmond devant composer avec sa femme jalouse, l’actrice principale capricieuse, l’interdiction de jouer de son acteur principal et son comédien de fils qui joue comme un pied, sans compter les producteurs corses à la réputation sulfureuse (ils sont également patrons du cabaret « les belles poules ») et son meilleur ami qui rêve de séduire une jeune fille alors qu’il est aussi beau qu’incapable de bien parler. C’est de tout cet univers que part l’écriture même de la pièce, Edmond proposant d’écrire à la belle à la place de son ami, tout comme Cyrano soufflera les répliques déclamées par l’amoureux transi à la belle Roxane.
Tout dans la création d’Alexis Michalik est brillant. Chaque détail a son importance et il ne se passe pas une minute sans une trouvaille géniale. Il prend un malin plaisir à décortiquer chaque étape d’écriture du chef d’œuvre d’Edmond, faisant de la moindre faiblesse une force et nous surprenant à chaque réplique : des polyphonies corses à l’apparition de Ravel, Méliès ou Tchékhov, en passant par toutes les scènes incontournables du grand Cyrano : la tirade des nez, la séduction de Roxane, la bataille d’épée, la dernière scène avec la mort de Cyrano. On rit autant qu’on est touché, et tout autant happé par le rythme effréné des changements de costumes, des scènes qui s’enchaînent, des décors foisonnants, des clins d’œil incessants. Comme souvent dans les pièces de Michalik, on se croirait au cinéma, et pourtant, on ne pouvait rêver plus bel hommage au théâtre.
Écriture et mise en scène Alexis Michalik
Avec Pierre Bénézit, Christine Bonnard, Stéphanie Caillol, Pierre Forest, Kevin Garnichat, Nicolas Lumbreras, Jean-Michel Martial, Anna Mihalcea, Christian Mulot, Guillaume Sentou, Régis Vallée, Valérie Vogt
Théâtre du Palais Royal