Auto-médiation

Voilà une pièce à recommander à tous les jeunes parents et à tous ceux qui projettent de le devenir. Et même plus largement à tout un chacun dès lors qu’il a déjà ressenti cette incapacité à communiquer avec les autres ou cette difficulté à trouver un terrain d’entente avec quelqu’un d’un avis opposé.

La médiation, c’est un programme d’accompagnement mis en place par l’Etat pour aider les couples en crise qui divorcent à établir un dialogue dans l’intérêt de l’enfant.

Chloé Lambert s’attaque avec beaucoup d’intelligence au potentiel extrêmement théâtral du huis-clos de la médiation familiale. Le sujet est passionnant puisque les enjeux sont forts et que les protagonistes sont opposés aussi radicalement que leur attachement a été fusionnel. Comment deux êtres qui se sont à un moment unis et qui ont décidés de donner la vie ensemble en arrivent à se détester au point de ne plus pouvoir échanger un mot ? Lorsqu’ils se retrouvent confrontés l’un à l’autre dans le bureau de la médiatrice, avec obligation de trouver une solution, Anna et Pierre sont à couteaux tirés. Alors qu’ils se sentent l’un et l’autre trahis, trompés, salis, comment vont-ils pouvoir accepter de faire tomber les barrières qu’ils ont érigées entre eux pour rétablir le dialogue ?

Le texte est brillant puisqu’il mêle questions douloureuses et traits d’humour caustique. L’idée d’inclure dans la pièce une deuxième médiatrice en apprentissage (qui se révèle rapidement être la fille de la première), permet de renforcer les oppositions et de sortir de la stricte neutralité qu’est sensée conserver le médiateur en ne prenant pas parti. La présence de cette jeune médiatrice permet de mieux comprendre le point de vue du père et de mettre en lumière que les « juges » eux-mêmes sont parfois loin d’être irréprochables.

La mise en scène colle parfaitement au texte, notamment la petite chaise grenouille qui symbolise l’enfant tout au long des entretiens, ainsi que le tableau en fond de scène sur lequel les médiatrices notent des mots échangés jusqu’à le noircir totalement. Comme pour montrer que dans toute relation, le vécu s’accumule, les anecdotes en remplacent d’autre, et le couple de la fin n’a plus rien à voir avec le couple du début. C’est déroutant et captivant. On est enfermés avec ces êtres à la dérive qui ont tant de mal à se dépêtrer des pièges qu’ils se sont eux-mêmes tendus, au cœur d’un combat d’une intimité dérangeante. Jusqu’où faut-il aller par amour ? L’individualité s’efface-t-elle au profit du couple ? Finit-on toujours pas reprocher à l’autre les concessions qu’on lui a accordées ? L’intérêt de l’enfant doit-il être au-dessus de tout ? Comment, en tant que parent, être sûr de faire les bons choix ? Tant de questions qui ne peuvent avoir de réponses objectives et universelles.