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La ménagerie en verre, et contre tous





« Famille je vous hais ». Voilà le message qui pourrait ressortir d’une première approche de «la ménagerie de verre ». Sauf que dans cette famille, les Wingfield, on ne se hait pas. On s’aime. On s’aime mal. On s’aime en désespoir de cause, et l’amour est comme un cri d’appel au secours. Tous ses membres semblent être inaptes à la vie en société, à la vie tout simplement. Si Tom, qui nous conte l’histoire de l’extérieur, a réussi à s’extraire de cette prison émotionnelle, la jeune Laura semble être condamnée à vivoter dans l’univers parallèle érigé par sa mère Amanda, en forme de protection contre les réalités du monde extérieur et du temps qui passe. Handicapée et fragilisée, Laura ne peut avoir d’autre avenir que celui de déplacer ses petites figurines de verre dans la ménagerie qu’elle a érigée tel un temple sacré. Inapte au travail, incapable de parler aux jeunes de son âge, elle est littéralement prisonnière de l’amour exclusif de sa mère qui voit en elle sa jeunesse perdue. Comment se sentir à la hauteur par rapport à cette femme qui a connu le succès et la belle vie ? La vie s’est arrêtée et l’équilibre pourrait perdurer longtemps, si le frère ne ressentait pas le besoin vital de s’échapper de cette autarcie malsaine. Ce frère qui subvient aux besoins de sa famille porte sur ses épaules le poids du départ du père. Poussé par le désir de parcourir le monde et de vivre l’aventure ailleurs que sur l’écran du cinéma, il est rongé par la culpabilité d’abandonner sa sœur et sa mère à leur triste sort. Comme un ultime sursaut dans la tentative de les sauver, il cède aux supplications de sa mère et invite à dîner un de ses amis, potentiel « galant » qui pourrait endosser le rôle du responsable de famille. Entreprise vouée à l’échec entre les frasques de la mère qui revêt sa robe de mariée et retrouve la fougue de sa jeunesse alors que le monde extérieur lui rend visite, et l’esprit vagabond de la jeune Laura, incapable de jouer le jeu qu’on lui demande.


Tennessee Williams livre une de ses plus belles œuvres, en proposant une histoire universelle à partir d’un tableau très ancré dans l’Amérique d’après-guerre.

La mise en scène de Daniel Jeanneteau donne une fraîcheur à cette atmosphère ouatée. Toute la pièce se déroule à l’intérieur d’un cube qui nous donne l’impression d’un univers éthéré. Seul Tom est en mesure de sortir de ce vase clos. Le rôle de la mère est merveilleux, conjuguant l’affection et la cruauté. Dominique Reymond est délicieusement dingue et habite à merveille ce personnage de pervers narcissique qui n’a aucune limite. Le jeu de Solène Arbel est très sensible et Laura nous touche au plus profond, au point qu’on ressent une compassion effrayante lorsque sa petite ménagerie de verre est menacée.


De Tennessee Williams

Mise en scène Daniel Jeanneteau


Avec Solène Arbel, Pierric Plathier, Dominique Reymond et Olivier Werner


Théâtre de la Colline

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