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Mythique Lucrèce Borgia


Dans un décor vénitien sombre et ténébreux, l’ombre de Lucrèce Borgia plane comme un maléfice. Aussi crainte que détestée, cette femme de pouvoir à la réputation morbide (meurtres, inceste, fratricide) fait figure de monstre. A l’exact opposé, le jeune Gennaro incarne la beauté et la bonté même. Admiré par ses pairs et aimé de tous, rien ne semble pouvoir lui faire croiser la route de la marâtre. Pourtant, sans le savoir, il est le fruit de l’inceste, portant donc en lui le bien et le mal, l’interdit et le modèle. De la même manière, Lucrèce peut être vue comme quelqu’un qui n’était pas né pour faire le mal mais qui y a été forcé par son destin et sa famille. C’est dans ce nœud de contrastes que s’installe la tragédie d’Ugo dans ce qu’elle a de plus terrible. La mère ne peut aimer son fils que dans le secret et le fils se prend d’amitié pour cette confidente et s’épanche sur son désir de rencontrer sa mère, sans savoir qu’elle est le monstre.

Cette pièce, d’une cruauté sans limite, prend toute sa dimension grâce à la mise en scène de Denis Podalydès, qui offre au Français deux fortes propositions de transgression. D’une part, Lucrèce est interprétée par Guillaume Galienne et Genarro par Suliane Brahim. D’autre part, les comédiens portent des masques leur donnant une apparence étrange. Cette double transformation nous plonge dans un vertige visuel, pour nous faire prendre conscience que les apparences nous troublent. Les personnages avancent à visage couvert, sans laisser paraître leurs réelles intentions. Et les comédiens eux-mêmes semblent enfermés dans une partition dictée par le rôle prédestiné qui leur a été attribué. Ainsi chacun lutte avec les armes qui sont les siennes, mais aussi contre lui-même, puisque le mal vient de l’intérieur. L’histoire de cette filiation nous emporte dans une allégorie sur la contradiction à l’origine de la tragédie humaine. Comme on peut le lire dans la préface du l’œuvre de Victor Hugo : « et maintenant, mêlez à toute cette difformité morale un sentiment pur, le sentiment maternel ; dans votre monstre, mettez une mère, et le monstre fera pleurer ». C’est là toute la force d’Hugo, de nous rendre le tortionnaire attachant, de placer le public en connivence avec cette mère en souffrance qui ne peut s’offrir de rédemption qu’au prix du sacrifice fatalement répété.

Les somptueux décors d’Eric Ruf fournissent un écrin magistral aux comédiens qui nous transmettent la profondeur du drame de Victor Hugo. Transperçant !


De Victor Hugo


Mise en scène Denis Podalydès


Avec Éric RUF, Éric GÉNOVÈSE, Guillaume GALLIENNE, Christian HECQ, Gilles DAVID, Stéphane VARUPENNE, Suliane BRAHIM, Georgia SCALLIET, Elliot JENICOT, Benjamin LAVERNHE, Sébastien POUDEROUX et les élèves-comédiens de la Comédie-Française Heidi-Eva Clavier, Lola Felouzis, Pauline Tricot, Paul McAleer


Comédie française

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