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Les chatouilles, ça fait du bien là où ça fait mal






"Les Chatouilles" fait partie de ces rares spectacles qui vous attirent comme un aimant, parce qu’on pressent qu’on va prendre une claque, que le fond et la forme se répondent admirablement. J’ai donc assisté à la première représentation parisienne et cela se confirme. L’auteur a eu l’intelligence de mêler théâtre et danse pour donner vie à son histoire, et le résultat va encore au-delà de mes attentes.






Odette est une petite fille qui joue avec ses poupées. Comme elle est seule, Gilbert, un gentil ami de ses parents lui propose de jouer avec elle à la poupée, ce sera elle la poupée. Oui, les chatouilles du titre font moins rire que pleurer. La narration n’est pas linéaire mais rebondit sans cesse d’une situation à l’autre. D’abord l’enfance d’Odette entre ses parents qui ferment les yeux, Gilbert qui devient son pire cauchemar et ses premiers cours de danse qui deviendront avec le temps son exutoire. Et puis on retrouve Odette en pleine adolescence, cherchant à fuir ses vieux démons qui finissent toujours par la rattraper, jusque dans sa petite chambre à l’Opéra de Paris où Gilbert vient lui rendre visite pour qu’elle se sente moins seule. Odette est devenue adulte, elle danse pour crier sa colère, et son corps secoué de secousses et de soubresauts traduit, mieux que n’importe quel discours, la violence de ces chatouilles imposées à son corps d’enfant innocent. Entre sa mère qui refuse l’évidence, sa psy qui tente de l’exorciser et finalement le procès pour faire la lumière sur ce secret, Odette se débat pour survivre et pour se construire avec cette blessure intime. Paradoxalement, la pièce est terriblement drôle, on assiste, démunis et horrifiés, à certains comiques de situations, à Gilbert qui dégouline de bonne foi quand il témoigne, à la mère d’Odette qui, centrée sur son nombril, refuse d’admettre l’évidence. Certains personnages apportent un bol d’air frais, tel cet ami rappeur qui fait un complexe d’infériorité ou ce professeur de danse qui sera à la seule à voir le talent brut qui s’exprime sous ses yeux ou encore Odette qui malgré son talent, est parfois réduite à faire le lapin de Pâques pour vivre.


Andréa Bescond offre une performance à la hauteur de la force du texte. Elle jongle entre les vingt personnages qui traversent son histoire, prenant tour à tour les traits de l’agressée, de l’agresseur, et de tous ceux qui jalonnent sa jeune existence perturbée. « Les chatouilles » parle du passage de l’enfance à l’adulte, d’une lutte pour trouver sa place. On est bouleversé par le récit, pris aux tripes par la danse d’une virtuosité à couper le souffle, on passe du rire aux larmes et on sort marqué à jamais par cette partition de haute voltige et d’une rare intelligence, mise en scène par Eric Métayer. Il faut absolument aller voir cette pièce magistrale qui réussit à dénoncer un sujet extrêmement grave tout en nous transportant dans un univers foisonnant et sidérant. La standing ovation finale donne des larmes à l’artiste, des larmes de bonheur.


Prix d’interprétation féminine d’Avignon off 2014.


De et avec Andréa Bescond

Mise en scène Eric Métayer.


Au petit Montparnasse.

Bande annonce : https://vimeo.com/139930860

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