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"Tu seras une épouse ma fille" Le Père.



Juste à temps pour découvrir la nouvelle mise en scène de Père de Strindberg par Arnaud Deplechin. Ce cinéaste ne cache pas son lien étroit avec le théâtre et on sent le plaisir de toute l’équipe sur la scène, harmonie certainement particulièrement nécessaire pour une pièce aussi dure que Père. Michel Villermoz incarne à merveille ce patriarche qui sombre peu à peu dans la folie lorsque son autorité de père est remise en question.

La pièce débute dans l’antre du capitaine, une immense bibliothèque dans laquelle il trône et commande. La préoccupation du moment : l’avenir de sa fille. Il souhaite lui garantir un avenir en faisant d’elle une institutrice, ce qui lui garantira une bonne formation et une autonomie si jamais elle reste célibataire, et ce qui lui permettra, si elle se marie, de bien éduquer ses enfants. Si son point de vue se défend, il peut aujourd’hui nous sembler quelque peu désuet. Et c’est la raison pour laquelle cette pièce incarne à elle seule la montée du féminisme à cette époque. Sa femme, elle-même femme au foyer, souhaite un autre avenir pour sa fille. Elle aimerait la voir emprunter une voie indépendante pour qu’elle se développe personnellement et pas seulement à l’ombre de son mari et dévouée à ses enfants.


Cette pièce offre avant tout une guerre des idées, des points de vue, « des consciences » dit Deplechin, celle des genres avant tout, mais aussi plus largement un questionnement sur l’influence des choix dans un parcours de vie. En sentant qu’il perd le contrôle sur ceux qui l’entoure, le père se retrouve anéanti. Il sombre dans le désespoir et le doute sur sa paternité dont il ne peut avoir aucune certitude (à l’époque, merci la science), donnant par là même la toute puissance à sa femme, seule à être sûre de bien être légitime dans son rôle. On s’attache aux personnages de ce huis clos étouffant. J’ai personnellement été rapidement horripilée par la voix et le discours de la femme qui semble être sans pitié pour son mari et prendre un plaisir malsain à lui faire perdre la raison. Elle parvient à manipuler tout son entourage qui fera bloc contre le père, et ce jusqu’à lui faire passer une camisole afin de pouvoir régner en maître(sse) sur sa maison.


Si la question de la paternité pourrait être aisément réglée aujourd’hui, la pièce n’en reste pas moins d’actualité en terme de luttes des genres et d’égalités hommes/femmes. Michel Villermoz et Martine Chevalier sont exceptionnels et l’on est ému aux larmes par cet homme déchu, esseulé et vulnérable.

Mise en scène : Arnaud Deplechin

Avec …

Martine Chevallier : Margret, la vieille nourrice du capitaine

Thierry Hancisse : Le pasteur, frère de Laura

Anne Kessler : Laura, la femme du capitaine

Alexandre Pavloff : Le docteur Oestermark

Michel Vuillermoz : Le capitaine

Pierre Louis-Calixte, soldat d'escadron

Claire de La Rüe du Can: Bertha, la fille du capitaine et de Laura

Laurent Robert: Ordonnance du capitaine

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