Madame, sur un plateau
MADAME, avec un grand M. Madame qui a ses lettres de noblesse, acquises tout en bas de l’échelle sociale qu’elle ne s’est pas évertuée à grimper, elle avait déjà trop à faire ailleurs. Madame est malgré tout une femme du monde. Pas de la haute, certes, mais qui en a vu du beau, le plus souvent la nuit, alors que tous les chats sont gris. L’heure où les masques tombent et où les hommes aiment à se confier.
Elle, c’est pendant 90 minutes qu’elle se livre, sans fard, brute de décoffrage, sans détour ni pudeur. Catherine Jacob est LA comédienne qu’il fallait pour incarner ce portrait de femme qui en a vu de toutes les couleurs, pendant plus de cinquante ans d’histoire de France. En confidence, souvent de dos, elle raconte avec gouaille et esprit toutes ces petites aventures qui ont façonné son existence sur une bonne partie du XXè, faisant d’elle un des témoins privilégiés de l’évolution des mœurs. Car oui Madame est une femme de l’ombre. Elle a su tirer parti de ses charmes à défaut de pâtir d’une situation peu confortable qu’elle n’a pas toujours choisie. Après avoir su susciter la passion dévorante de Landru sans y succomber, elle préfère rapidement l’excitation des bordels aux ateliers de couture. Elle enchaîne les amants, fait élever les enfants loin d’elle faute d’instinct maternel développé.
Rémi De Vos offre une exquise partition d’argot à Catherine Jacob. On ne comprend pas tous les mots, mais l’intonation donnée par cette grande comédienne tout au long de son monologue suffit à nous aiguiller sur le sens et à nous ravir les oreilles. Telle une Castafiore à la coiffure aristocratique, dans un écrin de velours rouge fleurant bon la luxure, Catherine Jacob drapée de dentelle noire, nous livre son regard fin, émouvant et décomplexé sur un passé qui ne sent pas la rose. Irrévérencieuse à souhait, Catherine Jacob confirme qu’elle est une grande dame.
Texte & mise en scène : Rémi De Vos
Avec Catherine Jacob
Au Théâtre de l’œuvre