L'Acteur et ses Illusions perdues
La Compagnie Troisième Génération propose sa nouvelle création de théâtre gestuel. Cette compagnie, qui a vu le jour en 2010 réunit des comédiens issus de pays différents et surtout d’univers variés (théâtre, clown, mime, danse, arts visuels). Ils ont une grande expérience du théâtre de rue, favorisent le geste au texte, allant à l’essentiel en plaçant le corps comme centre de l’émotion.
Cette nouvelle mise en scène collective est librement inspirée du roman éponyme de Balzac. Quand on sait que ce texte fait partie de ses études de mœurs de la comédie humaine, on comprend le choix de ces trublions du spectacle vivant qui aiment amener sur scène un peu du monde qui nous entoure. Si Balzac parlait des espoirs déçus de Lucien par rapport au monde littéraire, le héros de ces illusions perdues s’inscrit parfaitement dans les nouvelles préoccupations de notre siècle. Sergi, le Lucien du jour, quitte sa province pour monter à Paris, plein d’espoir sur sa destinée d’acteur. Sa chute n’en sera que plus brutale.
On assiste à un cabaret poétique, dans lequel l’art du spectacle tient le premier rôle. Les comédiens se confondent avec leur personnage, tant leur situation est semblable. D’ailleurs ce sont les comédiens qui nous accueillent dans cette splendide salle de la Gare au Théâtre de Vitry-sur-Seine, immense loft en parquet et baigné de lumière grâce à des dizaines d’ampoules qui sont en suspension. Mais en fait, le spectacle a déjà commencé. Comme si tout était représentation. On se perd entre réel et imaginaire, entre tragique et comique. Le jeune comédien qui reçoit une lettre de refus élogieuse, la répétitrice, la violence d’une mise en scène, la mise à nu des acteurs, telle cette chanteuse enchaînée, exposée comme une bête de foire, la solitude de chacun dans cette effusion de relations.
Très belle exploration du métier d’acteur avec tout ce qu’il comporte d’incertitudes et de parts d’ombre malgré les paillettes. Au-delà du milieu du spectacle, chacun peut s’interroger sur ses motivations et ses choix dans un monde en perte de sens et de repères. C’est très esthétique, admirable d’efficacité et de finesse. Les cinq personnalités complices se complètent à merveille dans cet univers souvent déshumanisé. A ne manquer sous aucun prétexte.
De et avec Maria Cadenas, Agnès Delachair, Sergi Emiliano, Arianna F. Grossocordon et Guillaume Le Pape.
Création Lumière : Laurent Labarrère
Vu à la Gare au Théâtre. Prochainement au Théâtre Jean Vilar de Champigny sur Marne (16 janvier) puis au Théâtre Berthelot de Montreuil (21 au 23 janvier).