La danse et le théâtre, de Retour à Berratham
Retour à Berratham, tout comme Battlefield, s’ouvre alors que la guerre touche à sa fin. L’enjeu n’est donc pas le conflit en tant que tel mais bien ses conséquences, les jours d’après, la survie et la reconstruction. Revenir sur les ruines dans d’un conflit peut faire ressurgir toute la violence de celui-ci. Car enfin, on prend la pleine mesure du désastre, de l’irrémédiable.
C’est l’étroite collaboration entre trois artistes qui fait de ce spectacle une expérience totale, très forte, qui nous marque bien au-delà de la représentation. Si le chorégraphe, Angelin Preljocaj est à l’initiative du projet puisqu’il a passé une commande à l’écrivain Laurent Mauvignier, au final, la danse et les mots s’entremêlent à merveille dans le décor d’Adel Abdessemed qui offre un écrin sombre à la tragédie post apocalyptique qui se déroule sous nos yeux. Car la fin de la guerre ne signifie pas forcément libération et félicité. Bien au contraire, Berratham ressemble davantage à une prison ou une décharge. Entouré de grillages, avec pour seule présence une carcasse de voiture et des sacs poubelles.
Le personnage principal qui déboule sur la scène est en pleine errance. Esseulé, il revient à Berratham en quête. En quête de sens certainement, mais aussi plus factuellement en quête de Katja, sa fiancée. Il ne rencontre que des gens détruits, assoiffés de vengeance, prêt à le faire payer pour tous les autres. Les groupes s’affrontent, le dépouillent, et il en ressort encore plus désespéré qu’avant. S’il finit par retrouver Katja, ce n’est plus vraiment elle. Pas plus que Berratham n’est Berratham. Plus rien ne sera jamais comme avant.
Brillante idée que de proposer un théâtre dansé, un ballet raconté, où les corps prennent vie pour exprimer ce que les mots sont incapables de raconter. Les images sont très fortes, celle de Katja en particulier qui semble porter au plus profond d’elle-même les traces indélébiles de la guerre. Certaines scènes sont d’une rare violence. Regrettable mais bien utile à qui voudrait rentrer en guerre et confirmer une fois de plus qu’ « après nous le déluge ».
Chorégraphie : Angelin Preljocaj
Texte : Laurent Mauvignier
Décor : Adel Abdessemed
Avec : Virginie Caussin, Laurent Cazanave, Aurélien Charrier, Fabrizio Clemente, Baptiste Coissieu, Margaux Coucharrière, Emma Gustafsson, Verity Jacobsen, Caroline Jaubert, Émilie Lalande, Barbara Sarreau, Niels Schneider, Liam Warren, Nicolas Zemmour