Welcome in Reality
La pièce ne manque pas d'humour. On commence par assister à une répétition entre deux acteurs sur un plateau de télé qui réfléchissent à la manière la plus plausible de jouer un personnage qui s'effondre dans la rue à la suite d'une crise cardiaque. Déjà, il s'agit de rendre réel un événement factice.
La suite l'est beaucoup moins. 1943 . Alors que son mari est déporté dans des camps, Janina commence à écrire. Elle n'a rien d'une romancière et se contente de recenser, jour après jour, tous ces petits riens qui font tout. Un demi-siècle plus tard, c'est un véritable catalogue de chiffres qu'elle nous lègue. Une expérience extraordinaire de l'ordinaire, une héroïne commune. Elle affirme “Si j’arrêtais d’écrire, je devrais revenir à moi-même.” L'écriture comme échappatoire pour ne pas perdre pied, mais l'écriture de la réalité dans ce qu'elle a de plus quotidienne et terre à terre. Comme si devant l'horreur de la situation qui s'impose à elle de manière démentielle, Janina éprouvait la nécessité absolue de se raccrocher à tous ces micro événements concrets et banals qui, mis bout à bout, forment son quotidien.
Cette pièce nous plonge dans un vécu quantifié. Janina a consciencieusement relevé toutes les données brutes relatives à sa vie, dont 922 rendez-vous, 23397 saluts à des personnes croisées, 19 parties de domino, 70042 émissions de télévision...données retranscrites dans 748 carnets. Une réalité implacable et dénuée de toute appréciation, de toute subjectivité.
Les deux auteurs comédiens, Antonio Tagliarini et Daria Deflorian, nous rendent spectateurs de cette vie qui nous parvient exclusivement à travers des chiffres. Beaucoup d'informations qui paradoxalement nous laissent très ignorants de qui était vraiment Janina, puisque nous ignorons tout de ses humeurs, ses sentiments, son ressenti. La pièce pose la question de savoir si ces chiffres à eux seuls peuvent représenter la réalité de la vie de Janina.
Interprétation et Mise en scène Daria Deflorian & Antonio Tagliarini
